Quand je suis arrivée à l’Arche de Saint-Antoine en 2013, j’ai eu l’impression d’arriver dans un autre monde, sur une autre planète, dans une culture totalement différente de la mienne. Ça faisait 10 ans que j'habitais à Paris, j'étais très engagée politiquement mais ma vie n'était pas du tout en accord avec mes valeurs.
En arrivant à Saint-Antoine, j’ai eu l’impression de ré-apprendre à me comporter, à vivre, et finalement, de découvrir une autre personne à l’intérieur de moi qui attendait de pouvoir s’exprimer.
Pourtant, dans cette découverte, force est de constater que j’ai fait, avec le recul, quelques erreurs, et en particulier que je suis arrivée avec un petit paquet de croyances qui se sont avérées complètement fausses.
Je vous les partage dans cet article, en espérant que cela pourra vous aider quand vous irez à la rencontre d’un collectif déjà constitué.
1/ C’est un endroit bienveillant et je peux partager mon intimité au premier venu
La première erreur que j’ai faite, littéralement 2 ou 3 jours après être arrivée, c’est dire des choses très intimes de moi à des personnes que je connaissais à peine.
C’était tellement nouveau pour moi de trouver un endroit où je sentais une telle bienveillance, tellement agréable de me sentir acceptée comme je suis, pas jugée.
Tellement que j’ai eu envie d’assumer des parties de moi très intimes, dont je ne suis pas vraiment fière, et de les partager, (peut-être inconsciemment pour vérifier si la bienveillance tenait toujours ?).
Peut-être aussi parce que ces parties là de moi et mon histoire n’avaient encore jamais trouvé un environnement pour être dites, reconnues, acceptées.
Alors, oui ça s’est bien passé, bien sûr. Mais avec le recul, je vois combien cela n'était pas forcément approprié, et que la bienveillance n'est pas un appel à confidences, et ne dois pas m'enlever de ma capacité à discerner quand et comment je confie des choses intimes sur moi !
2/ Je vais tout comprendre
Ensuite, j’ai passé mon temps à poser des questions, à essayer de comprendre, à harceler chacun-e de questions, à essayer de trouver des organigrammes, des textes, des règles, des chartes, et à les lire à toute allure.
Ce que j’ai découvert avec la communauté, c’est que cette expérience n’est pas quelque chose qui se comprend, c’est quelque chose qui se vit.
Après un an passé dans la communauté, je pense que j’avais intégré, compris, saisi, à peu près 20% de ce qui se passe dans la communauté.
Après 6 ans passées à la communauté, je pense que je suis allée jusqu’à 75%, et encore, j’ai des doutes.
La vie dans la communauté est si intense, si riche, et surtout, si complexe, quand on parle de l’humain, qu’elle ne se laisse pas saisir en quinze jours, ni même en un an.
Il y a différents niveaux de compréhension, et la vraie connaissance de cet endroit est réellement une co-naissance, c’est-à-dire qu’elle arrive en faisant naître aussi une nouvelle version de moi-même.
Et elle ne peut pas se presser, elle mûrit comme un fruit sur un arbre.
3/ Je peux faire mieux
Et puis, au bout d’un moment, quand j’ai cru que j’avais à peu près compris l’essence du “truc”, je me suis mis à voir tout ce qui me semblait dysfonctionner. C'est sans doute un réflexe de ma vie d'avant, celle qui voyait toujours le négatif, et qui cherche toujours à tout résoudre.
Et à imaginer que je pouvais trouver des solutions pour tout cela.
J’ai alors été la personne reloue que l’on connait tou-te-s quand on vit dans un écolieu, celle qui dit “mais pourquoi vous n’avez pas de toilettes sèches ?” ou bien “mais pourquoi vous mangez pas vegan ?” ou encore “mais pourquoi vous faites pas de la permaculture ?”
Toutes ces questions naissent de mon idéalisme, et de mon désir d’absolu, de pureté, et sont souvent difficiles à accueillir par les personnes qui vivent au quotidien dans le lieu, et qui font déjà de leur mieux, tout en ayant conscience des choses qui pourraient être améliorées.
4/ On ne peut pas faire mieux
À l’Arche de Saint-Antoine on dit souvent qu’on n’est pas parfaits, et que c’est justement parfait comme ça.
Et d’une certaine manière, j’ai pu parfois l’intégrer comme “on ne peut pas faire mieux”, et me mettre à accepter et défendre à 100% le statu quo de la communauté, sa manière de fonctionner, et perdre un peu de mon esprit critique.
Et honnêtement et finalement, c’est un fil délicat sur lequel on marche en écolieu : à la fois accepter qu’on ne peut pas être parfait et parfaitement cohérent avec nos valeurs tout le temps, car il y a un principe de réalité et notre humanité à prendre en compte.
Et en même temps, continuer à donner le meilleur de soi pour améliorer petit à petit la situation et se rapprocher toujours un peu plus de l’idéal.
Et en même temps, on a besoin parfois en collectif de temps où on n’est pas challengé, pas toujours en train de changer, de se remettre en cause. Bref, un équilibre délicat !
Et vous, quelles croyances aviez-vous en arrivant en éco-lieu et comment ont-elles résisté à la réalité ? Venez nous les partager en nous envoyant un mail à centre.tenir@gmail.com et on fera un article avec vos témoignages !
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