Une grande partie de notre travail d’accompagnement de collectifs, c’est de travailler sur les conflits de groupe. Notre mission en quelque sorte, c’est d’aider les collectifs à traverser les conflits comme un chemin vers un vivre-ensemble plus profond. Si on a un message à faire passer, ce serait “les conflits, c’est normal, et ce sont des cadeaux pour le groupe”. Il vaut mieux se dire les choses, même maladroitement, que de les garder pour soi et laisser pourrir des choses.
Certaines personnes qui entendent ça vont alors foncer dans le tas et dire leurs quatre vérités aux autres membres du groupe sans prendre de gants, parce que le conflit, c’est bien ! C’est là que le conflit peut devenir destructeur.
Sauf que pour traverser les conflits, il faut un cadre de sécurité. Et là, on parle de quelque chose d’un peu plus costaud et d’un peu plus subtil que le “parler en je, bienveillance, non-jugement, souveraineté, confidentialité”.
Ce cadre, c’est celui qui permet de se dire les choses qui fâchent, tout en préservant la relation.
Ce cadre c’est :
1/ je t’aime : notre relation d’amitié, de fraternité, de co-habitants, n’est pas remise en cause par ce que nous allons partager, je te garde dans mon coeur en tant que personne, au-delà de tes actes, de ton comportement, de ce qui a pu se passer qui a été difficile entre nous.
2/ tu es en sécurité : ce que je vais te partager ne remet pas en cause notre engagement ensemble dans notre lieu collectif, ta place et ma place dans ce projet, cette discussion sur nos difficultés mutuelle fait partie du chemin et nous permet de nous ajuster.
3/ je te respecte : je ne te méprise pas, je ne pense pas que j’ai la vérité et pas toi, je respecte ta vérité, je te considère comme mon égal, je ne te considère pas moins bien, moins intelligent, moins malin, fort, moins bienveillant (etc !) que moi, et surtout, je ne veux pas te changer, je t'accepte comme tu es, je veux seulement mieux te connaître et que tu me connaisses mieux.
Quand ce cadre est là, on peut presque même se passer du cadre de “parler en je, bienveillance, non-jugement, souveraineté, confidentialité”. Car les bases de la relation sont solides.
Et dans le quotidien, l’idée, c’est de nourrir le plus possible ce cadre pour pouvoir rapidement se dire les choses quand quelque chose coince. Se sentir suffisamment en sécurité, aimé et respecté pour pouvoir confronter quelqu’un si quelque chose ne va pas.
Notre travail en tant qu’accompagnateurs de groupe, c’est d’aider à renforcer ces trois éléments pour pouvoir aller en profondeur dans le conflit, et nourrir à partir du conflit, ces trois sources de notre vie ensemble.
Car c’est un cercle vertueux qui se met en marche : je nourris ce cadre, j’explore le conflit, et ce cadre est de nouveau renforcé.
Alors la prochaine fois que vous avez un conflit avec quelqu’un, que vous avez quelque chose à lui dire de délicat, on vous propose, avant d’aller le/la confronter, de faire le point sur ce cadre de sécurité et de voir comment commencer à le nourrir pour créer les conditions à l’exploration du conflit.
Cela peut être très simple, cela peut même être simplement de dire avec vos mots “notre relation est importante pour moi, tu es en sécurité et je te respecte” à l’autre pour commencer la discussion.
Cela peut être de souligner (avec authenticité) à l’autre combien il est important et une contribution riche dans notre projet, pour qu’il se sente en sécurité dans le projet. Ou bien lui dire combien cette relation me touche, me fait du bien, combien j’apprécie ce que nous partageons en tant qu’humains.
Et enfin, à l’intérieur de soi, de cultiver cette posture de respect, de ne pas souhaiter changer l’autre. C’est quelque chose d’assez subtil mais si quelqu’un vient vous voir avec cette intention, même inconsciente, je pense que beaucoup de personnes le sentent, et ça bloque la conversation.
Si j’arrive, de mon côté, à me débarrasser de cette attente, je ne souhaite pas changer l’autre, eh bien cela pose des bases solides pour aller traverser notre conflit, notre désaccord.
Et vous, comment est-ce que vous abordez le conflit dans votre groupe ? Est-ce que vous nourrissez ces trois bases de la relation avant d’aller dans la confrontation ? Comment ça résonne chez vous ?
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