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L'erreur numéro 1 des collectifs qui mettent en place la gouvernance partagée

Nous rencontrons beaucoup de collectifs qui mettent en place la gouvernance partagée, et nous mêmes avons vécu la mise en place de la gouvernance partagée à l'Arche de Saint-Antoine. .





D’abord, la gouvernance partagée, qu’est-ce que c’est ?

Souvent, ce qu’on retient de la gouvernance partagée, c’est :

  1. Un organigramme en cercles avec des premiers et des seconds liens pour que le pouvoir descende et remonte.

  2. Des prises de décisions avec la gestion par consentement, pour passer du “on cherche la meilleure solution et on est tous d’accord” à “personne n’a d’objection”.

  3. Une répartition du pouvoir très claire et transparente avec des mandats, des redevabilités, pour des rôles et des cercles.

  4. Des processus comme l’élection sans candidats et la gestion par tensions.

  5. Donner une place claire à chaque chose et pas faire une soupe de légumes lors des réunions : une place pour les questions de clarification, une place pour les émotions, une place pour les questions opérationnelles, une place pour les questions de stratégie, des processus avec les six chapeaux...

(plein de ressources là-dessus sont disponibles grâce à l'Université du Nous, si vous voulez aller plus loin, merci à eux et elles !!)


Au-delà de ces outils, la gouvernance partagée porte pour moi une aspiration à un monde plus juste, à expérimenter des formes d’organisations qui soient efficaces et prennent en compte notre humanité.



La gouvernance partagée fait pour moi partie du changement de paradigme nécessaire aujourd’hui, qui nous amène à trouver une juste place entre mes besoins individuels et les besoins du groupe. Cependant, son “utilisation” dans de nombreux groupes oublie de prendre en compte un élément important de ce changement de paradigme : l’interconnexion.



Je crois que le changement de paradigme de notre monde aujourd’hui, c’est d’entrer dans un monde de relation réciproque, d’interdépendance, de perméabilité entre moi et les autres, moi et ce qui m’entoure, moi et la nature, moi et les outils que j’utilise.

C’est un vrai et complet changement dans notre manière d’être au monde : on passe d’un monde objet, qu’on pense pouvoir maîtriser, dominer, plier à notre volonté, à un monde avec lequel nous sommes dans une interaction réciproque.


Et c’est la même chose avec la gouvernance partagée : la gouvernance partagée nous change et nous la changeons. Nous sommes dans une relation proche de l’équivalence avec cet outil, et non pas une relation de domination de l’un sur l’autre.



Parfois, nous voyons des groupes qui se retrouvent dans une dictature complète de l’outil : il faut se plier aux processus, il faut se faire violence pour rentrer dans les clous de la “gouvernance partagée”. C’est un peu comme quand on sacrifie l’être humain pour certaines usines : c’est lui qui doit se mettre au rythme de la machine et pas l’inverse.


Et c’est ça l’erreur numéro 1 : faire de la gouvernance partagée un outil, donner tout le pouvoir à l’outil, faire plier les individus à l’outil.


Pour moi, la gouvernance partagée, c’est bien plus des valeurs et des aspirations qu’un modèle ou un outil. Si on veut changer de paradigme, on se lance dans la rivière de la gouvernance partagée et on expérimente. On expérimente de se laisser bouger par la gouvernance partagée et de faire bouger la gouvernance partagée.


Depuis bien longtemps, on sait que les outils nous changent et que nous faisons évoluer les outils pour les faire à notre main. C’est toute la question qu’ont pu poser des penseurs comme Jacques Ellul, ou Ivan Ilich sur nos usages de l’outil.



La gouvernance partagée doit être un outil convivial comme le définit Illich, c’est-à-dire un outil qui augmente notre pouvoir d’agir, pas un outil qui nous abrutit et nous rend sourds à notre humanité, et à l’humanité de notre voisin.

Rappelons ici les 3 critères d’Illich pour qu’un outil soit convivial :

  • il ne doit être efficace, sans dégrader l'autonomie personnelle (en se rendant indispensable par exemple);

  • il ne suscite ni esclave, ni maître;

  • il élargit le rayon d'action personnel.


Illich nous met en garde contre la “contre productivité” des outils : la médecine industrielle nous rend malade, l’école nous désinscrit, etc. Prenons garde à ne pas faire de la gouvernance partagée un nouvel outil de domination. Je pense que ces 3 critères peuvent nous servir de boussole dans notre usage de la gouvernance partagée.


Alors comment faire ? Les exemples de Saint-Antoine


Par exemple, à l'Arche de Saint-Antoine, la phase d’objections lors de l’élection sans candidats est toujours difficile.

Comment dire à quelqu’un avec qui je vis au quotidien que j’ai peur qu’il-elle gère mal notre compta quand je vois l’état de son organisation personnelle ?

Comment formuler avec justesse nos objections, oser les dire ?

Alors nous avons expérimenté plein de formules différentes, sans encore un franc succès mais en apprenant à chaque fois de nos échecs (et de ce qui a marché). Par exemple, nous avons essayé qu'une personne recueille toutes les objections, ou de laisser un temps, d'arrêter la réunion quand on en vient aux objections, pour que chacun-e ait le temps de formuler "proprement" ses objections. Bon, honnêtement, aucune de ces deux options n'a "bien" fonctionné, mais ça nous a appris...

Nous savons que nous souhaitons par dessus tout préserver les relations entre nous, et oui, parfois, cela se fait au détriment de notre efficacité car nous avons du mal à dire à quelqu’un qu’il-elle n’est pas fait-e pour ce job, mais nous savons pourquoi nous le faisons.




De la même manière, à Saint-Antoine, nous avons une culture très très très horizontale, et du coup, nos premiers liens sont en fait quasiment automatiquement des seconds liens puisqu’ils sont d’avantage intéressés à prendre soin de leur cercle à à faire remonter des difficultés, plus qu’à impulser des choses avec un leadership affirmé venant d’un cercle coeur. Nous avions donc au départ un système de premier/seconds liens qui était un peu factice : les seconds liens étaient vraiment des emplois un peu fictifs, et servaient presqu’uniquement à la formation interne, mais n’apportaient pas une énergie à nos cercles.

A un moment où nous avons choisi d’augmenter le nombre de nos cercles, nous avons choisi d’expérimenter de ne pas avoir de second lien pour avoir un cercle de coordination plus léger, en prenant conscience du peu d'intérêt du second lien dans notre culture commune, où nous avons davantage à mettre l’accent sur soutenir les leaderships individuels, et pas les réguler.


Ceci correspond au contexte de ce collectif à ce moment de son histoire. Oui, cela diverge d’avec les règles d’or de la gouvernance partagée, et pourtant, cela reste en ligne avec ses valeurs et contribue à la rendre vivante.


Pour moi, la gouvernance partagée, au final, c’est surtout mettre de la conscience sur notre manière de nous répartir le pouvoir et de vivre ensemble.

L’erreur numéro 2 : refuser d’être bougé-e par la gouvernance partagée


Mais l’autre écueil, c’est aussi de refuser d’être bougé par la gouvernance partagée : vouloir utiliser “l’outil”, mais rester dans mes anciens mécanismes de protection, de pouvoir. La gouvernance partagée nous encourage à aller au-delà de nos habitudes dans le groupe, à affirmer notre leadership par moments, à soutenir la dynamique collective à d’autres moments.

Elle n’est pas une baguette magique qui va résoudre tous les problèmes simplement en mettant en place les processus.

Elle est un outil qui nous change, et je pense, qui nous change pour le mieux. Qui nous pousse hors de notre zone de confort. Nous encourage à trouver une posture ajustée dans le groupe.





Accepter de se laisser bousculer, remettre en cause, personnellement, cela m’a énormément appris. La gouvernance partagée est un chemin de travail sur soi, un outil qui m’aide à mieux me comprendre, me découvrir, m’analyser, m’ouvrir aux autres.


Un outil qui agit sur moi comme un rouleau compresseur de mon égo disproportionné et un sculpteur de mon leadership ajusté. C’est magique, mais c’est sacrément difficile aussi !


En conclusion, on avait envie de vous dire que la gouvernance partagée, oui, c’est vraiment vraiment passionnant, et en même temps, cette gouvernance partagée va être à la hauteur des individus qui la manient, et du groupe qui s’en empare.


C’est pourquoi faire de la gouvernance partagée sans construire la confiance dans la groupe, nourrir et faire grandir le Nous, c’est comme mettre de l’essence dans une table à roulettes, c’est pas très utile…





Et vous, comment vous vivez la gouvernance partagée ? Comment est-ce que vous l’adaptez à votre situation ? Sur quoi vous essayez de vous laisser changer par la gouvernance partagée ?

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