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Le risque numéro un quand on crée un écovillage

Souvent un oasis commence par un ras-le-bol. J’en ai marre de mon boulot, j’en ai marre du temps que je passe entassée dans le métro. J’en ai marre de manger des légumes de supermarché. J’en ai marre de la nature étriquée des parcs urbains. Ma vie sociale est pauvre, j’en ai marre de mes collègues pas bienveillants du tout, de mon boss macho. Je manque d’air dans cette vie, j’étouffe.


C’est parfois une question de survie que de quitter cet endroit qui me fait mourir à petit feu. D’aller chercher des conditions extérieures qui soutiennent la vie en moi.




En partant, je me confronte à ma violence intérieure

Sauf qu’à ce moment-là, je fais parfois une confusion dans ma tête. Je crois que le problème, il est à l’extérieur de moi : que c’est la société, les gens qui m’entourent, mon cadre de vie, le problème. Que si je change toutes ces choses à l’extérieur, ça ira bien mieux.


Et c’est faux. Je peux quitter mon boulot, mon appartement, mes amis, tout plaquer pour aller vivre en écolieu ou en fonder un, si je reste convaincue que le problème est à l’extérieur, je vais droit dans le mur.


Je vais me retrouver en écolieu, et je vais reproduire et voir se reproduire tout ce que je ne supportais plus dans la société.

D’une certaine manière, ça sera pire, car je n’aurai plus l’excuse du monde extérieur pour projeter mes violences intérieures, mes difficultés, et je vais me trouver encore plus près de mes ombres. Je vais les voir encore plus en face, alors que la société faisait d’une certaine manière écran de fumée.


C’est le premier pas vers prendre ma responsabilité dans ce monde et ses difficultés : le problème n’est pas seulement à l’extérieur de moi, mais aussi l’intérieur. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : mauvaise parce que ça ne va pas être un simple changement de décor qui va changer le monde, et bonne parce que j’ai réellement le pouvoir de faire évoluer les choses.



En groupe, la pression de l'idéal rend ma violence personnelle encore plus difficile à accueillir


Et ça risque d’être encore pire en écolieu que dans la société mainstream, parce qu’ici, “on a des valeurs”, on est entre gens bienveillants. Et ces valeurs dérivent parfois dans un idéal de pureté, et on a vis-à-vis de soi et de la société une exigence d’exemplarité : on change le monde, il faut qu’on soit parfaits pour inspirer les autres et pour montrer que c’est possible. Il faut qu’on vive sobrement, avec bienveillance, écologiquement, dans la joie, et qu’on prenne nos décisions d’une manière collective.


Et la vie en groupe joue un rôle d’amplificateur, je peux me retrouver dans des jugements les uns sur les autres qui sont épuisants. J’ai tellement de mal à voir combien moi-même j’ai du mal à me “décoloniser” de ce qui ne me convient pas dans la société que je le vois chez les autres.


Et il y a aussi les jugements des autres sur moi. Je ne suis pas seule avec mes propres jugements sur moi, à rendre compte vis à vis de moi de mes compromis avec mes aspirations profondes, non, je le fais d’une certaine manière sous le regard du groupe. Et ce regard peut être très difficile à porter.


Le groupe devient une cocotte-minute, un rouleau-compresseur des individus qui ne peuvent pas supporter la violence qui nous habitent tou-te-s.



Pour moi, c’est une polarité qui se joue entre l’idéal et la réalité, ou entre l’exigence et l’accueil. Chaque polarité a sa place et sa valeur. Si je ne considère que l’idéal, j’écrabouille les êtres humains qui ne sont pas à la hauteur. Si je ne considère que la réalité de ma condition humaine, je m’aplatis et vivote dans quelque chose qui n’est pas le meilleur de moi-même. J’ai besoin et d’aspirer à donner le meilleur de moi, et d’accepter et d’accueillir mes difficultés, mes erreurs, mes errements. Si je ne me consacre que sur un côté et cherche à annihiler l’autre, je vais dans le mur.



Devenir des guérisseurs blessés


Quand je crée un oasis en réaction au monde extérieur, en rupture avec la société, en rejetant les problèmes à l’extérieur, je fais en quelque sorte sécession, je me coupe d’une partie de la société. Et je me place comme si j’avais mieux compris, comme si j’étais meilleur.


Nous devons devenir des guérisseurs blessés, comme le dit Jung (repris en thérapie sociale par Charles Rojzman).


Nous contribuerons à la guérison de la société en ayant conscience de nos blessures, pas en nous posant comme des modèles de perfection.


Si nous voulons vraiment contribuer à une société plus juste, il nous faut aller voir notre propre violence, nos propres ombres.


Et comment on fait ça ? D’abord, individuellement, en allant à l’intérieur à chaque fois que quelque chose me touche. En utilisant toutes les occasions que me donne la vie (et surtout la vie de groupe) pour aller voir ma propre violence, mes propres difficultés.

En devenant le plus humble possible vis à vis de ce que je peux faire : je ne suis pas parfaite, je fais de mon mieux, je suis encore violente.

Et je ne suis pas fondamentalement différente d’un capitaliste. Qui sait, si j’avais eu les mêmes conditions d’existence, je serai peut-être aujourd’hui moi aussi capitaliste, et je ferai la même chose que les gens que je critique !



Les dangers du Nous contre Eux


Ensuite, collectivement, quand on considère que notre groupe détient la vérité, se bat pour la justice, la paix, l’écologie, que nous avons la solution, ça devient nous contre eux. C’est ce phénomène qui a créé les plus grandes guerres : nous on a la vérité, le problème il est en dehors. On fait la même chose que le front national qui dit que le problème c’est les migrants… Le problème c’est les capitalistes.


D’autre part, cette croyance crée un aveuglement à nos propres défauts collectifs. Il nous faut aussi collectivement se laisser bousculer par l’extérieur pour voir nos propres défauts, difficultés, nos manques.




Pour que les oasis portent un message d’espoir dans le monde, elles ne peuvent pas se considérer comme meilleures/supérieures/et détentrices de la vérité, de la solution. Elles doivent se mettre en lien. Reconnaitre qu’il y a des choses qui viennent de l’extérieur à l’intérieur, et inversement, qu’à l’extérieur, il y a aussi des gens qui ont les mêmes valeurs, qui expérimentent des choses etc.


Nous devons travailler notre regard et nos projections sur la société : si je crée un oasis en projetant un désert mort autour de moi, je me mets dans une position de supériorité vis à vis du désert. L’oasis est dans un écosystème qui fonctionne avec le désert.


Le désert est un lieu plein de vie et d’inventivité, et dans le désert, il se passe aussi des choses passionnantes, même si différentes.
Et l’oasis, sans le lien avec le désert, sans les gens du désert, elle devient une île centrée sur elle-même, sans échanges avec l’extérieur, un vase clos, qui petit à petit pourrit de l’intérieur.

Une oasis peut aussi être prédatrice et on a des exemples d’oasis qui ont surconsommé les réserves d’eau du sol et se sont auto détruites.

Les oasis sont des relais sur les routes des nomades du désert. Des lieux pour se nourrir et étancher sa soif avant de repartir.

Elles fonctionnent avec leur environnement.




Et vous, comment vous vivez l'idéal porté par les oasis ? Comment vous faites vivre le lien avec le monde hors oasis ?

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