Dans la majorité des collectifs, il y a des départs, et il y a des arrivées.
Et c’est bien naturel, et signe de vitalité.
Cependant, on a parfois tendance à penser que c’est si naturel que les choses doivent se faire “naturellement” ! Et on passe à côté de quelques éléments importants qui aident à intégrer de nouvelles personnes.
La majorité des groupes ont un processus formel d’inclusion. Nous souhaitons vous partager ici 3 idées/propositions sur le côté informel et plus subtil de l’intégration de nouveaux dans un groupe.
1/ Travailler l’histoire du groupe
Dans les tribus indigènes, régulièrement, le village se retrouve autour d’un feu, et on écoute les anciens raconter des histoires.
L’histoire de la fois où telle personne a fait telle chose héroïque, où de la plus grande erreur que la tribu a fait, où de la découverte d’un nouveau lieu pour emmener le troupeau.
Ces moments de partage sont cruciaux, ils créent un lien fort et aident à ce que l’histoire soit intégrée petit à petit, au gré des moments de convivialité.
Ils aident à la fois le groupe à revenir sur ce qu’il a accompli depuis le début de son aventure, les épreuves qu’il a traversées, les leçons qu’il a tirées de son histoire, et ils aident l’individu qui s’intègre au groupe à s'imprégner de cette histoire et à la faire sienne.
Car même s’il n’a pas vécu ces moments, il fait maintenant partie de cette tribu et c’est donc en partie son histoire à lui aussi.
Assez rapidement, on peut aussi demander à une nouvelle personne de partager son chemin et de comment il s'entremêle avec celui du collectif : par exemple en lui demandant “et toi, qu’est-ce que tu faisais à ce moment-là ? qu’est-ce que tu vivais pendant que nous faisions cela ?” ou bien en lui demandant de raconter la première chose qui l’a frappé quand il a rencontré le collectif.
2/ Vivre un moment rituel d’intégration
On entend parfois dans les groupes que nous accompagnons des individus dire “j’ai fait tout le processus d’intégration, et puis à un moment on m’a intégré dans le groupe, et en fait rien n’a changé.”
C’est à la fois positif, car cela signifie que le processus d’inclusion était suffisamment fort pour amener au sentiment d’appartenance avant l’intégration officielle. Et en même temps, on sent qu’il manque quelque chose.
Nous avons besoin de rituels. D’un moment qui marque symboliquement l’entrée d’une nouvelle personne dans le groupe.
Chaque arrivée est aussi une renaissance pour le groupe en entier, et pas seulement un moment transformateur pour l’individu qui rentre. Le collectif lui-même se découvre à nouveau, se ré-agence, se réajuste avec cette nouvelle entrée.
Un moment rituel c’est simplement un temps hors du temps quotidien, un temps qu’on met de côté, qu’on “sacralise”, et dans lequel on vit cette transition.
On peut faire quelque chose de très simple, prendre soin de l’espace en mettant un joli bouquet, se mettre en cercle avec celles et ceux qui font déjà partie du collectif, dire un mot pour accueillir la nouvelle personne, affirmer notre choix collectif de l’accueillir et peut-être même les raisons de cet accueil, faire un temps de gratitude pour cette personne, dire merci pour ce qu’elle apporte avec elle en venant dans le groupe.
La personne qui entre peut elle aussi dire quelques mots pour affirmer son envie de rejoindre le groupe. Puis elle rejoint le cercle, et sur de la musique on peut se tenir les mains tout simplement, ou faire une danse très simple (même une farandole !) ou chanter quelque chose, ou tout autre type de pratique collective avec lequel le groupe est à l’aise, bref faire quelque chose qui célèbre et ancre le fait d’être maintenant un nouveau groupe.
Et évidemment, pour conclure, boire un verre et trinquer ensemble !
3/ Laisser du temps au temps
Même avec le meilleur processus d’intégration, le meilleur rituel, les meilleurs temps collectifs pour se partager notre histoire commune, il y aura toujours un temps pendant lequel le nouveau vit un décalage.
A ce moment-là, la tentation pourrait être d’imaginer que les nouveaux et ceux qui sont là depuis le début en sont au même point dans l’aventure collective. Vouloir gommer les différences est finalement plus risqué que de les accepter.
Faire partie d’un groupe, c’est un processus, et même dans certains cas un long processus d’inclusion (à l’Arche de Saint-Antoine, le processus dure entre 3 et 4 ans avant de rejoindre le groupe d’engagé-e-s). Le nouveau venu a potentiellement encore besoin de temps pour s’intégrer au groupe, même après ce long processus.
Pour répondre à cela, on peut mettre en place un système de mentorat avec les nouveaux venus, pendant l’année qui suit leur intégration. Un ancien ou un duo d’anciens prend des rendez-vous réguliers avec eux pour prendre des nouvelles de leur chemin d'intégration dans le groupe, les questionner sur ce qui les dérange, ce qui les choque, ce qu’ils ne comprennent pas, sur comment ils trouvent leur place dans le groupe, qu’est-ce qu’ils ont envie d’apporter et qu’ils ont du mal à offrir. Et les accompagner avec douceur à prendre leur place. Ce mentorat peut aussi être l’occasion de faire tampon entre le groupe d’anciens et les nouveaux pour leur faire passer des messages si des tensions arrivent : ouvrir des discussions sur les difficultés et les tensions.
Finalement, l’idée c’est aussi d’accepter qu’il y a des anciens, et des plus récents, que chacun a son expérience, que nous sommes tous différents.
Pour les anciens, c’est accepter que l’histoire change qui est le grand défi.
Pour les nouveaux, c’est accepter et respecter l’histoire et les choix qui ont déjà été faits.
Encore une fois avec ce thème de l’intégration nous retrouvons le cœur du travail pour vivre ensemble : comment vivre ensemble avec nos différences et pas en essayant de les gommer !
On espère que cet article vous aura été utile.
Si vous souhaitez aller plus loin, nous offrons chaque mois 3 rendez vous avec des groupes par visio pour aborder ce qu’ils vivent dans leur collectif et les aider à définir ce dont ils ont besoin, leur prochain pas. Si vous souhaitez prendre rdv, inscrivez-vous ici !
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